20/10/2013
LE JOURNAL DE PERSONNE "DES MILLIONS DE DÉLAISSÉS: ÉMOI, AIME-MOI ET MOI! "
LE JOURNAL DE PERSONNE
"DES MILLIONS DE DÉLAISSÉS: ÉMOI, AIME-MOI ET MOI! "
Il faisait froid… c’était peu avant minuit
 Je remontais la rue Mouffetard quand je l’aperçu..
 Au pied du mur il était assis
 Il leva les yeux et me sourit…
 Il a toujours été là, ce sans abri
 Mais cette nuit… tous les deux nous fûmes surpris
 Par un étrange sentiment de déjà vu
 Peut-être l’incongru de nos deux vécus
 Je ne l’ai pas connu…il ne m’a pas connu
 Mais nous nous sommes reconnus
 Comme deux inconnus mis à nu
 Parce qu’ils vivent dans la même rue
 Entre quatre murs pour l’une
 Aux quatre vents pour l’autre
 Un instant de toute intensité entre deux existants qui ignorent pourquoi Il en est ainsi et ne peut en être autrement.
 La fragilité, la précarité, la pauvreté de notre condition… peut-être ?
 J’ai beau être nourrie, logée et chérie
 Je ne pus m’empêcher de ressentir
 Une certaine proximité avec cet homme sans intimité
 s.d.f. comme il dit, et qui incarne à lui tout seul,
 Tous mes griefs contre la banalisation de ce mal social
 Je me sentie tout aussi abandonnée
 Ni pitié, ni empathie
 Ce fut comme un éclair de lucidité
 J’y voyais soudain plus clair dans cette épaisse obscurité
 Et le réel me devint insupportable… inacceptable
 Je l’ai invité aussitôt chez moi
 Pour y passer la nuit… toutes les nuits.
 Il refusa avec un soupçon de majesté
 Il eut peur… mais de quoi?
 Il préférait son sort à mon confort…
 Et ne voulait l’échanger pour rien au monde…
 Parce que cela faisait partie de son odyssée,
 De son échappée… belle
 De son bras d’honneur au mutisme de son prochain.
 Je ne pus m’empêcher de lui poser cyniquement la question :
 S’il ne trouvait pas bizarre de me voir insister à ce point
 Pour l’embarquer dans mon pied à terre…
 Il me répondit sans malice qu’il n’est pas du tout étonné…
 Parce qu’il est persuadé d’être… l’homme de ma vie
 Je ne sais pourquoi, je fus bouleversée
 Comme s’il m’avait révélé… la seule vérité vraie :
 « Reconnais-toi toi-même »
 Sur le champ, je n’eus, ni cette reconnaissance, ni cette intelligence…
 Après, je l’ai regretté comme jamais
 Parce qu’il était bel et bien, l’homme de ma vie
 Le lendemain, le SAMU a retrouvé un corps gisant par terre
 Mort de faim et de froid… c’était lui…
 Non… je ne vous raconte pas d’histoire
 C’est à moi que je la raconte!
13:02 Publié dans GOUTTES d'ÂME | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : au magma présent de l'écriture, clochards - deux millions de pauvres - entre la vie et la mort -, patauger, mutadis mutandis, esprit sain, groin, jambon, rein, curiosité, appendice, imposer, rosier, coccyx, juliette nourredine, jeter, poudre, potion, ulysse, pénélope, sacrilège, un homme dans chaque port, déglinguer, goret, transformiste, enivrer, fric, charognard, vermine, vautour, denteler, couler dans les veines, fureur, vice, avarice, prédateur, sinistose, police, veugle, sourd, sacrifice, pitié, amour, amour défunt
 
 

